Réception partielle de l'ouvrage inachevé ne vaut pas réception

La réception des travaux peut revêtir plusieurs formes ; elle peut être expresse, judiciaire ou tacite. Parallèlement, il est admis en pratique que cette réception des travaux puisse être partielle, notamment compte tenu de la pluralité d’artisans pouvant intervenir sur un seul et unique chantier. 

Concernant la réception partielle, la Cour de cassation a récemment rappelé les conditions essentielles à sa validité. 

Dans les faits en question, un couple de particuliers a confié la maîtrise d’œuvre de l’agrandissement d’un hôtel donné à bail commercial à une société, avec une mission d’architecte à laquelle il est mis fin après obtention du permis de construire, avant de confier l’exécution des travaux hors d’eau hors d’air, l’aménagement intérieur, et les travaux de terrassement et d’enrochement, à deux autres sociétés. 
En raison d’un problème d’implantation, lesdits travaux sont arrêtés et un architecte est mandaté afin d’élaborer un permis de construire modificatif, lequel n’est pas obtenu malgré la reprise des travaux. 

Justifiant de désordres et de l’inachèvement des travaux, les maîtres d’ouvrage et le locataire commercial assignent les différents intervenants à la construction et leurs assurances, lesquels sont condamnés à verser aux demandeurs, différentes indemnisations et réparations. 

Une des sociétés mises en cause forme alors un pourvoi en cassation, et soulève le moyen selon lequel les travaux réalisés au rez-de-chaussée et au premier étage, avaient été réceptionnés par procès-verbal, et formaient un ensemble cohérent, de sorte qu’il pouvait être établie une réception partielle. 

Cet argument est cependant rejeté par la Cour de cassation qui confirme l’analyse retenue par la juridiction de second degré. En effet, les différents lots confiés à la société concernaient le gros œuvre et l’aménagement d’un bâtiment composé d’un sous-sol, d’un rez-de-chaussée et de deux étages et pour lequel une réception partielle était intervenue alors que les travaux étaient inachevés. Réception qui ne portait pas sur une réception par lot, mais sur les travaux du rez-de-chaussée et du premier étage, sans plus de précision. Les sociétés mises en cause n’ayant pu apporter la preuve que les travaux du rez-de-chaussée et du premier étage constituaient des tranches de travaux indépendantes ou formaient un ensemble cohérent, la réception partielle invoquée ne valait pas réception au sens de l’article 1792-6 du Code civil. 

Par cette décision, la Haute juridiction valide les conditions de validité d’une réception partielle de travaux, laquelle doit impérativement concerner des tranches de travaux indépendantes, sinon les travaux partiellement réceptionnés doivent former un ensemble cohérent. 
Référence de l’arrêt : Cass. civ 3ème 16 mars 2022, n°20-16.829

Julie Ducourt