Le harcèlement moral peut être reconnu même en l'absence de dégradation des conditions de travail et d'altération de la santé du salarié (Soc. 11 mars 2025, n° 23-16.415)

L'arrêt (extraits) :

Textes applicables Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :

Rappel du régime de la preuve 9. Il résulte de ces textes que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Position de la Cour d'appel qui avait débouté la salariée 10. Pour débouter la salariée de ses demandes tendant à juger que le licenciement était l'aboutissement de faits de harcèlement moral, que le licenciement était nul et de nul effet et en paiement d'indemnités pour licenciement nul et en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral, l'arrêt, après avoir retenu que la salariée établissait l'existence de faits précis qui, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, relève que l'avertissement injustifié du 8 septembre 2015, et contesté uniquement dans le cadre de la procédure prud'homale initiée en juillet 2018, et l'absence d'interrogation de la salariée sur ses dates de congés en 2016, ne relèvent pas du harcèlement moral en ce qu'ils n'ont pas eu pour effet de dégrader les conditions de travail de la salariée, ni d'altérer sa santé physique, la dégradation de l'état de santé de la salariée étant bien postérieure à la rupture du contrat de travail survenue le 25 juillet 2016, cette dernière ayant été hospitalisée le 6 août 2017, soit plus d'un an après la rupture contractuelle.

Position de la Cour de cassation qui invalide la position de la Cour d'appel 11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'avertissement du 8 septembre 2015 était injustifié et que l'employeur ne fournissait aucune explication sur l'absence de sollicitation de la salariée quant à la fixation de ses congés en 2016, ce dont il résultait que l'employeur ne prouvait pas que ces deux agissements étaient étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Julie Ducourt